Depuis de trop nombreuses années, le système de soins est réduit, par des experts bien-portants, à son financement.
L’aspect est incontournable, et il faudra sans le moindre doute choisir entre différentes solutions permettant d’assurer le financement des soins : glissement d’une partie de plus en plus importante des remboursements vers les assureurs privés, augmentation massive du financement de la branche maladie…
Mais le service rendu, et l’organisation des soins sont systématiquement absents des analyses comme des réformes.
Une constante : à chaque fois qu’un expert du secteur, ou un journaliste pensant le connaître est pour son malheur contraint de se faire soigner, il découvre une réalité très éloignée de ses certitudes. Malheureusement, après quelques interviews, la seule conséquence est en général la publication d’un livre racontant les péripéties subies, qui rentabilise le statut de victime, mais reste sans impact sur le fonctionnement de notre système de soins.
Or, il suffit d’un passage aux urgences, ou de ne pouvoir se contenter de la consultation et de la prescription d’un médecin généraliste pour réaliser l’étendue du problème.
Le résultat pour les patients : un véritable parcours du combattant pour obtenir les explorations complémentaires et avis spécialisés nécessaires, et un service rendu globalement très inférieur à ce que nous sommes en droit d’attendre.
Quant aux soignants, la certitude de voir le résultat de leurs efforts individuels dégradé par les nombreux dysfonctionnements de notre système de soins explique en grande partie leur insatisfaction.
Il est plus que temps de réaliser que nous ne manquons pas d’infirmières diplômées, en France, mais que les conditions de leur exercice sont suffisamment démotivantes pour que la durée moyenne de leur exercice professionnel soit estimée à 13 ans.
Le constat est valable pour les praticiens : le discours habituel mêle plus ou moins habilement le manque de motivation des uns, l’âpreté au gain des autres, le manque d’esprit civique de ceux qui osent prendre de vacances, le désintérêt pour certaines spécialités réputées éprouvantes ou stressantes, leur refus de s’installer dans certaines régions, le problème de la permanence des soins…
En pratique, l’absence de lien entre les différentes équipes soignantes, entre les praticiens, en fait l’impossibilité de gérer le fameux « parcours de soins » de nos patients, et ses conséquences sur les soins prodigués sont à l’origine d’une démotivation tangible.
Le problème de la désertification médicale est révélateur : la population, et les élus s’inquiètent de plus en plus du manque de praticiens dans certaines régions. De louables efforts sont faits, ou en passe de l’être, pour aider financièrement l’installation des rares candidats. Mais là encore, on tente de résoudre financièrement un problème plus profond : comment s’étonner du fait qu’après 8 à 10 ans de formation dans le confort relatif d’un Centre Hospitalo-Universitaire, entourés de collègues près à les conseiller, les jeunes praticiens hésitent à s’installer dans des régions où ils seront brutalement isolés pour faire face à des demandes de plus en plus nombreuses, et de plus en plus spécifiques ?
L’absence d’outils et de moyens permettant un lien entre les soignants est une donnée incontournable de ce problème, pour les praticiens comme pour leurs patients.