Bien que peu portée par les médias, l’actualité dans le domaine de la Santé est particulièrement riche ces jours-ci : les urgentistes et anesthésistes hospitaliers en grève, un Ministre qui cherche son chéquier, le Président de la République qui promet une « gouvernance » de l’Hôpital, la mise en œuvre officielle des franchises médicales…
Autant d’occasions pour nos chers décideurs de nous démontrer leur méconnaissance totale de la situation quotidienne des usagers et des soignants. Bonne nouvelle (la seule), on peut considérer cet état de fait comme un bulletin de santé subliminal de nos dirigeants : ils sont à l’évidence en pleine forme, et n’ont à ce titre pas à fréquenter les services d’urgence ou les cabinets médicaux.
L’état de notre système de soins est pourtant préoccupant :
- Nous sommes actuellement incapables de gérer correctement la prise en charge des urgences, et au-delà des heures d’attentes imposées aux patients, il s’agit bien d’une menace réelle pour leur sécurité
- Impossible de croire, dans ces conditions, que nous sommes en mesure de faire face médicalement à une crise sanitaire majeure
- Les médecins n’ont pas les moyens d’assurer la cohérence des soins prodigués à leurs patients. Dès que l’intervention de plusieurs praticiens est nécessaire (cardiologue, gynécologue, urologue, pneumologue,…) tout espoir de cohérence est illusoire, avec des conséquences médicales aisément imaginables
- Aucune politique de dépistage adaptée n’est actuellement possible, pour les mêmes raisons.
Cette situation est humainement inacceptable, mais elle représente également un surcoût évalué à 6 Milliard d’€, chiffre admis encore récemment par Xavier Bertrand.
Il est bien entendu indiscutable que les soins vont à l’avenir nous coûter de plus en plus cher, solidairement ET individuellement.
Mais ce constat ne peut être une excuse, destinée à éluder un problème crucial : le service rendu correspond-il aux besoins de nos patients ?
Puisqu’il est question d’argent, le motif de la grève des urgentistes et anesthésistes ne saurait être remis en cause (ce qui n’est pas le cas des moyens employés : une grève dans notre secteur est soit inefficace, soit dangereuse).
Comment envisager de voir les soignants concernés continuer à travailler au-delà des délais légaux sans contrepartie ?
Par contre, les moyens financiers nécessaires au règlement de ce conflit sont inexistants : à moins d’une modification récente des règles de gestion, une provision ne correspond en aucune manière à des fonds disponibles. Au mieux, cela accroît encore un déficit devenu systématique pour la plupart des hôpitaux.
Mais ce conflit ne doit pas occulter l’essentiel : les conditions de plus en plus éprouvantes dans lesquelles travaillent ces soignants tiennent majoritairement à l’absence de réponse adaptée aux situations d’urgence, en dehors des urgences vitales qui font l’objet d’un traitement spécifique efficace (soit moins de 5% des urgences prises en charge).
Quelle que soit l’issue du mouvement des urgentistes, aucun impact favorable n’est à espérer pour les patients, ni sur les conditions de travail de l’ensemble des équipes des services d’urgence.
En ce qui concerne l’hôpital, la mission confiée par le Président de la République à Gérard LARCHER est édifiante :
· « Les complémentarités avec tous les acteurs de l’offre de soins doivent être renforcées »
· « pour un territoire donné, une appréhension globale des atouts de chacun des établissements publics et privés que les soins doivent être organisés, et certaines fonctions mutualisées. »
· « Le développement de l’hospitalisation à domicile et l’articulation entre l’hôpital et la ville, seront dans les prochaines années des leviers incontournables de la qualité des prises en charge »
· « L’amélioration des prises en charge ne se fera pas sans une gouvernance réaffirmée. »
Bien entendu, ces bonnes intentions affichées correspondent à un discours vieux de plusieurs années, et qu’aucun gouvernement, aucun ministre n’a été en mesure d’appliquer concrètement.
La méconnaissance totale et délibérée de la réalité, des conditions dans lesquels les usagers sont pris en charge médicalement est si forte qu’aucune mesure concrète n’a jamais pu répondre aux besoins de nos patients.
Cette situation a conduit une trentaine de médecins et chefs d’établissements à se réunir au sein d’une association pour concevoir et diffuser des outils destinés à répondre à nos besoins, et à ceux de nos patients.
Notre objectif initial était de répondre aux problèmes des urgences, mais le résultat est actuellement le seul exemple concret de lien entre la Médecine de ville et l’Hôpital.
Le reportage que nous a consacré le Magazine de la Santé ne Décembre a permis de réunir le point de vue de patients, de médecins libéraux, et de médecins hospitaliers concernant ces outils.
Les réactions qui ont suivi sa diffusion nous ont confirmé les attentes des usagers comme des soignants dans ce domaine.
Plusieurs centaines de praticiens sont actuellement concernés, et plus nombreux encore sont ceux qui vont nous rejoindre dès le mois de Février.
Actuellement, ni le Ministère de la Santé, ni l’Elysée ne peuvent prétendre ignorer nos efforts, et leurs résultats.
Et effectivement, la réaction du cabinet du Ministre ne s’est pas fait attendre : nous avons été directement et explicitement menacés. Sans le moindre doute, le fait de ne pas tolérer la situation actuelle, et, pire encore, de mettre en œuvre des solutions concrètes mérite une sanction exemplaire.
Une telle réaction vaut à nos yeux les compliments les mieux tournés, mais n’en est pas moins inquiétante pour les usagers : bien que notre détermination en soit renforcée, l’extension du dispositif à l’ensemble du territoire demanderait en effet près de 2 années supplémentaires en l’absence du soutien de l’Etat.
Sans nul doute, le moment est venu de voir si les déclarations du Président de la République, et sa volonté de réformes rapides et efficaces ont vocation à se traduire par des décisions concrètes.
Car à l’évidence, c’est à lui que revient l’arbitrage.
Or, médicalement comme économiquement, une décision s’impose dans les plus brefs délais : en plus de l’amélioration sans précédent apportée aux soins des patients, l’ensemble des outils mis à disposition est en mesure d’induire une économie d’1 Milliard d’€ à l’échelle du territoire, pour les seules urgences. Ces économies sont pour la première fois réalisées au bénéfice des patients, et non par un report de charges.
Mais les soins prodigués aux patients demeurent notre priorité, et les menaces qui pèsent sur chaque patient, chaque usager, mettent indiscutablement en cause la responsabilité du gouvernement.
En attendant, peu d’informations sont laissées accessibles sur notre association, nommée Perspective Santé, la tranquillité d’esprit des membres qui y travaillent depuis 3 ans est à ce prix.
Vos réactions et votre soutien nous sont précieux.